10 vérités sur l’efficacité des buteurs européens


C’est un euphémisme de dire que le « galactique » Gonzalo Higuain se soit fait critiquer après sa piètre prestation en Ligue des Champions contre Lyon, lors d’un match décisif où il a manqué de cadrer dans le but vide et de qualifier son équipe pour les quarts de finale. On lui reproche notamment de n’être bon que lors des rencontres à faible enjeu, ce qui lui fait un point commun avec un autre ténor de la Liga, puisque Zlatan Ibrahimovic s’était lui-même vu critiqué des mêmes faiblesses par la presse espagnole lors de l’historique échange avec l’Inter et le buteur camerounais Samuel Eto’o.

Grâce aux données fournies par Footbalistic, nous allons ici tenter de remettre un peu de rationnel dans l’irrationnel et évoquer les grands buteurs européens et leur légendaire efficacité.

1. Gonzalo Higuain : l’Argentin a participé à 75% des rencontres de championnat avec le Real Madrid cette saison. Lorsqu’il a été absent (6 matches), le Real n’a engrangé « que » 72% des points possibles en jouant contre des adversaires a priori de faible calibre – notamment Xerez, Tenerife ou Malaga, aujourd’hui en queue de peloton, voire contre le Depor ou l’Athletic qui ne se battent que pour l’Europa Ligue cette saison. En revanche, lorsque Higuain est présent (18 matches), le Real remporte 85% des points possibles, ne s’inclinant qu’à deux reprises (contre le Barça 1-0 et le FC Séville 2-1, matches à l’extérieur). Lors de ces 18 matches, Higuain a marqué 16 buts dont 5 doublés – et l’un d’eux contre le FC Valence. Au final, on note simplement que Higuain n’aura été décisif que 2 fois (i.e. lorsqu’il a marqué le but qui a permis à son équipe de l’emporter ou d’accrocher le match nul), contre Santander et Getafe – qui ne représentent pas forcément l’élite du football européen – en dépit de cette efficacité globalement remarquable.

2. Lisandro Lopez : autre Argentin du 1/8 de finale Real-Lyon, autre profil. Pour avoir été acheté à Porto pour une somme record en échange d’une réputation exceptionnelle, « Licha » est attendu depuis 9 mois comme le Messie du Rhône. Et là encore, les statistiques jouent dans un sens un peu différent de ce qu’on pourrait en attendre. Lisandro a participé à 81% des matches de l’OL en Ligue 1 cette saison : lorsqu’il a joué, Lyon n’a remporté que 9 des 22 rencontres, soit 41%, et n’a glané en tout que 53% des 66 points possibles à ce stade. Une incroyable déperdition d’énergie stigmatisée par un très grand nombre de matches nuls (36%), notamment à l’extérieur contre des équipes de faible niveau comme Boulogne, Grenoble ou Le Mans, où Lisandro n’a pas validé sa réputation de tueur face à des défenses a priori pourtant fébriles. Par ailleurs, le buteur argentin manque singulièrement de chance puisque la seule fois où il a réalisé un doublé et un triplé (contre Marseille et Lille), Lyon a concédé le nul ou bien a perdu. Enfin, pour noircir définitivement le tableau, un chiffre saisissant : Lyon a gagné 100% des points disponibles lorsque Lisandro était absent, marquant 2,0 buts de moyenne, tandis que la moyenne de l’homme au bouc se tient précisément à 0,5 but/match à ce jour.

3. Guillaume Hoarau : l’ancien Havrais, qui brille par ses blessures cette saison, est critiqué (à juste titre) pour son manque d’efficacité devant le but si l’on compare sa prestation la saison passée avec le Paris SG. Hoarau a participé à 52% des matches avec le PSG pour 2 buts. Ses performances reflètent l’état général de son club – et c’est sans doute avant tout son manque de compétition qui explique la différence de rendement entre la saison 2008-2009 (0,52 but/match) et cette saison (0,14). Toutefois, le PSG pourrait aussi être retombé dans un travers qu’on nommera « le syndrome Pauleta » : en articulant toute une stratégie offensive autour d’un seul joueur, on rend son jeu prévisible et on augmente la pression médiatique sur un individu qui devient le seul fautif quand rien ne va mais pour lequel on se persuade qu’il est un rouage essentiel de l’équipe malgré tout. Illustration pratique de ce syndrome : lorsque Hoarau joue, Paris ne prend que 33% des points possibles, mais récolte 51% des points lorsque le buteur n’est pas là, sans doute, notamment, parce que l’équipe entière est obligé de changer son système de jeu. Maigre consolation pour Hoarau : ses 2 buts ont directement rapporté 4 points à son équipe. C’est mieux que rien.

4. Mamadou Niang : le buteur sénégalais, qui a joué 85% des matches de l’OM cette saison, traîne une réputation de renard des surfaces de très haute efficacité – ce n’est que partiellement vrai à ce jour, et, comme pour Hoarau, la raison en est certainement tactique. En effet, si l’on observe simplement quand Niang a été décisif depuis août dernier (i.e. lorsqu’il a marqué le but qui a permis à son équipe de l’emporter ou d’accrocher le match nul), il est intéressant de constater que 2009 ne ressemble en rien à 2010 : placé sur le flanc gauche de l’attaque phocéenne dans la première partie de la saison, Niang n’a marqué qu’un seul but décisif (Rennes-Marseille, 1-1) ; quand il est replacé en pointe, le bilan est radicalement meilleur pour le Sénégalais puisque Niang le buteur est directement responsable de 7 points sur les 17 engrangés par l’OM en 2010. Et cette très bonne série marseillaise, outre une belle remontée au classement général, permet à Niang de revendiquer une statistique que  ses collègues parisiens et lyonnais lui envient : lorsqu’il ne joue pas, l’OM prend 58% des points possibles, contre 64% lorsqu’il participe au jeu.

5. Karim Benzema : l’ancien Lyonnais est sans conteste celui qui souffre le plus de la concurrence avec Gonzalo Higuain au Real. Concurrence qui semble justifiée si l’on s’en tient à l’analyse des statistiques de l’Argentin (voir ci-dessus) et dont la remise en cause est difficilement probante à la lecture de celles du jeune Français. Benzema, qui a participé cette saison à 79% des rencontres des Madrilènes en Liga – c’est mieux que Higuain (75%) et Ronaldo (63%) – n’a jamais été mathématiquement décisif pour le Real, dans le sens où chacun de ses 7 buts n’a fait que contribuer à une victoire déjà acquise. Par ailleurs, hormis son doublé contre le Deportivo à Riazor, Benzema a marqué uniquement contre des équipes de faible niveau (Zaragoza, Almeria, Tenerife, Xerez) et n’a pas pesé dans des matches importants comme les courtes défaites contre le Barça ou le FC Séville. Enfin, comme pour confirmer l’impression générale de « pas mauvais mais pas transcendant », le Real a remporté 87% des points possibles lorsque l’ancienne idole de Gerland participait au jeu, et s’est « contentée » de remporter 81% des points  à disposition quand « The Benz » était aligné sur la pelouse.

6. Cristiano Ronaldo : véritable star de l’équipe, indispensable en attaque, personne ne doute de l’efficacité du playboy portugais – qui justifie par son prix d’acquisition ses indispensables titularisations lorsqu’il n’est pas blessé. Et cette omniprésence se justifie : bien que Ronaldo ne soit pas un buteur pur – ailier à Manchester, « 9-et-demi » à Madrid – il possède des statistiques diablement proches de celles de l’Argentin. Sur le flanc en octobre et novembre, Ronaldo n’a participé qu’à 63% des matches avec son club et affiche un redoutable taux de 0,87 but/match, quasi équivalent à celui de Higuain (0,89) mais nettement supérieur à celui de Benzema (0,37). Une efficacité que le perfectionniste gominé pondèrerait sans doute pour deux raisons : pour l’instant, Ronaldo n’a été décisif qu’à l’occasion d’un doublé contre Malaga, qui n’est pas Barcelone ; et qu’il soit sur le gazon ou pas ne change rien, le Real gagne autant de points – 81% quand il absent de la feuille de match, 82% lorsqu’il régale de ses dribbles chaloupés.

7. Alexandre Pato : voilà le Brésilien du Milan qui ressemble le plus à Mamadou Niang. Ni en prestance ni en style, mais pour l’efficacité contrastée de son jeu. Pato a participé à 74% des matches de son club, et il atteint la moyenne très honorable de 0,60 but/match sur la saison. Mais autant son début d’exercice a été honorable sans être transcendant (0,44 but/match en 2009), autant 2010, dont il n’a joué aucun match en janvier, a démarré en fanfare : 5 buts en 4 matches. S’agissant du caractère décisif de ses buts, il faut constater les faits : le but victorieux du 1-2 face à la Fiorentina (à la 90e minute) ; ses 2 buts à Siena ; son but décisif face à la Roma : sur les 43 points pris par le Milan lorsque Pato jouait, 7 points lui sont directement redevables – soit une place au classement en l’état de l’art. Et un dernier détail sans appel : Milan a conquis 72% des points possibles lorsque son buteur était présent sur le terrain, et s’est contenté de 57% des points lorsque Pato a été absent.

8. Samuel Eto’o : lorsque le Camerounais a été échangé par Barcelone contre Zlatan Ibrahimovic plus de l’argent, beaucoup d’observateurs ont salué le sens des affaires de l’Inter. Après 27 matches de Serie A cette saison, on peut déjà tirer quelques observations : Eto’o a joué 63% des matches de championnat avec son club, enregistrant une moyenne de 0,47 but/match (contre 0,55 à « Ibra »). L’Inter a par ailleurs pris 63% des points possibles lorsque le buteur africain évoluait sur le terrain, mais 80% des points lorsqu’il était absent – les statistiques inattendues du jeune Balotelli, soit 7 buts en 21 matches, et l’éventuelle complémentarité de l’Italien avec le meilleur buteur du club Milito pouvant expliquer partiellement cette différence. Enfin, Eto’o n’est pas particulièrement décisif, puisque seuls 5 points des 32 points pris en sa présence lui sont directement imputables : c’est moins bien qu’Ibrahimovic sur le plan comptable (6 points pour le Suédois) mais c’est également moins performant sur le plan sentimental, Zlatan ayant réussi à inscrire ses 2 buts décisifs de la saison face à l’Espanyol Barcelone et face au Real Madrid.

9. Franck Ribéry : de toutes les stars européennes scrutées ici, Ribéry – indisponible entre mi-octobre et mi-janvier – est celui qui a le moins joué. En effet, seules 48% des rencontres du Bayern cette saison ont vu le prodige français évoluer. Sur ces bases, on peut malgré tout – et malgré le fait que Ribéry ne soit évidemment pas un pur buteur, à l’instar de Ronaldo au Real – signaler le fait que le Bayern remporte davantage de points lorsque l’international français est présent sur le terrain (75% de points remportés contre 67% en son absence) ; que Ribéry est devenu décisif en février avec son but face à Hambourg ; que depuis son retour de blessure face au Werder, le Bayern a remporté 5 matches sur les 6 que le Français a joués.

10. Didier Drogba : souvent qualifié de meilleur joueur de la planète depuis quelques mois, attendu – mais décevant comme la Cote d’Ivoire – à la CAN, l’ancien Marseillais est une pièce maîtresse sur l’échiquier de son club Chelsea mais joue sans doute beaucoup sur l’élégance de son jeu pour enjoliver ses statistiques. Drogba a participé à 82% des matches de Premier League avec les Blues ; avec lui, Chelsea a remporté 71% des points qu’il était possible de glaner au cours de ces rencontres ; sans lui, ce taux atteint le niveau étonnant de 100%, bien qu’il faille pondérer cette donnée avec le fait que les clubs vaincus soient Wolverhampton, Portsmouth, Sunderland et Burnley (parmi les plus mal classés) et Birmingham qui n’est pas Arsenal ou Manchester United. Par ailleurs, l’Ivoirien affiche un score très élevé de 0,83 but/match – au niveau de Messi et Rooney – et entretient son exceptionnelle aura, sans doute, de sa capacité hors-norme à tuer les matches : sur les 49 points pris par Chelsea lorsqu’il était sur le terrain, 10 points découlent directement d’un but décisif de Drogba. Difficile de faire mieux.

NB : Marouane Chamakh (Bordeaux – 0,35 but/match), Mario Gomez (Bayern – 0,40), Diego Milito (Inter – 0,48), Wayne Rooney (Man United – 0,85), Ronaldinho (Milan – 0,35), Kevin Kuranyi (Schalke – 0,54), Zlatan Ibrahimovic (0,55), Lionel Messi (0,86) ont été écartés de cette analyse car tous ont participé à plus de 85% des matches de leur club, ce qui réduit fortement l’intérêt d’étudier leurs statistiques et celles de leur équipe selon qu’ils sont présents ou absents.

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